Une des nombreuses controverses liées à Napoléon à Sainte-Hélène concerne les cercueils dans lesquels le corps de l’empereur a été placé
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Essayons d’y voir plus clair.
Le rapport de sir Hudson Lowe adressé à son ministre de tutelle est, une fois n’est pas coutume, pourtant précis et concis :
- 1er Un cercueil uni doublé de fer blanc
- 2e Un cercueil de plomb
Si, comme sir Hudson, on considère le doublage du premier cercueil en bois par du fer-blanc comme formant une seul bière à part entière, Marchand, dans ses mémoires qu’il rédigea quelques années plus tard confirma l’utilisation de ces trois cercueils en y ajoutant des détails:
« L'Empereur placé dans un cercueil de fer blanc, garni de satin blanc ouaté ne put faute d'espace avoir son chapeau sur la tête; elle dut reposer sur un oreiller de même étoffe et le chapeau fut déposé sur ses cuisses, différentes pièces de monnaie frappées à l'effigie de l'Empereur et quelques pièces d'argenterie tels qu'on le trouvera au procès-verbal ci-dessous y furent déposées; le même homme qui avait soudé les vases, souda ce premier cercueil avec soin, ce cercueil fut mis dans un autre en acajou qu'on mit dans un troisième en plomb qui fut lui-même soudé et déposé à son tour dans un quatrième en acajou qu'on ferma avec des vis de fer à têtes d'argent[2]. »
Notons que dans le Procès-verbal d'ensevelissement rédigé et signé le 7 mai 1821, comme sir Hudson Lowe, les comtes de Montholon et Bertrand ainsi que Marchand mentionneront le premier cercueil de bois doublé de fer-blanc comme constituant un seul et même cercueil. Toutefois, quelques contemporains et de nombreux historiens ensuite mentionnent ce double cercueil comme en étant deux bien distincts, ce qui engendra une confusion qui généra elle-même des théories.
Mr Rutledge qui assista à la scène de la fermeture des premiers cercueils confirme : « [ii]où le corps venait d'être déposé dans la gaine en étain, j'ai assisté à la soudure de cette doublure métallique et au vissage du couvercle du cercueil en bois qui était à l'extérieur de celui en étain. Et le tout a été placé dans un cercueil en plomb, dont le couvercle a été soudé à ma vue[3] ».
Le général Bertrand fut moins disert dans sa description en se contentant de mentionner que les deux couches métalliques : « On a scellé le fer-blanc, puis l'enveloppe en plomb. On a dit que l'air ne pénétrant pas, cela se conserverait des siècles[4]. »
En résumé donc : si les témoins de l’époque considéraient la doublure métallique du premier cercueil comme un cercueil à part entière, il y eut au total 4 cercueils. Par contre, si comme les comptables et l’administration on considère que le premier récipient est une boite en bois doublée à l’intérieur d’une feuille d’étain ou de fer-blanc, il n’y eut bien que trois cercueil. Tout est ici question d’appréciation comptable et/ou technique.
[1] Extrait de la lettre de Sir Hudson Lowe à Lord Bathurst datée du 14 mai 1821, [folio 199 du volume 20,133 des Lowe Papers]
[2] Mémoires de Marchand, Premier Valet de Chambre et exécuteur testamentaire de l'Empereur publiés d'après le manuscrit original par Jean Bourguignon, membre de l'Institut - Ed. Plon, Paris – 1952 – page II-344
[3] « Compte-rendu de mes visites à Longwood à partir du 6 mai 1821 » – par Mr Rutledge, L.P. Vol 20,133 folios 150 à 152. Ce récit est confirmé par le menuisier Andrew Darling dans son Journal publié le 30 septembre 1915 dans le Times Literary supplement qui, depuis, a été cité et traduit dans de nombreux ouvrages.
[4] Général Bertrand, Grand Maréchal du Palais - Cahiers de Sainte-Hélène - Manuscrit déchiffré et annoté par Paul Fleuriot de Langle - Editions Sulliver, Paris – 1950 – Volume « Journal janvier 1821 - mai 1821 », p.199
1st A plain coffin lined with Tin
2nd A lead Coffin
3rd A Mahogany Coffin
[ii] … into the tin case wherein the body had been just laid, saw the Lid of this case soldered on and the covering of a wooden case which was outside the Tin one, screwed down, and all placed in a Leaden Coffin, the cover of which I saw soldered on. [Memorandums during my Visitations at Longwood from 6th May 1821 – by Mr Rutledge, L.P. Vol. 20,133, folios 150-152]