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samedi 27 janvier 2024

Visite de l'historien David Chanteranne

 



       Pendant la semaine du 20 au 27 janvier, Monsieur David Chanteranne, accompagné d'un groupe de compatriotes qu'il guidait, a eu la courtoisie de nous rendre visite à Longwood. Le lundi 22, il nous a gratifiés d'une conférence, naturellement brillante, comme à son habitude.



        Sur un plan plus personnel, ce fut l'occasion (trop courte) des retrouvailles d'un ami. 


mercredi 3 mai 2023

La nymphe de la vallée

En 1815, lorsque Napoléon arriva à Sainte-Hélène, John Robinson, un pauvre métayer, louait des terres à la Compagnie des Indes, au fond de la Fisher’s Valley qui, s’étendant du versant sud-est de Diana’s Peak à Prosperous Plain, se trouvait à l’intérieur du périmètre autorisé à Napoléon.

 

La maison de Miss Robinson, 2023

Les militaires du second bataillon du 53e régiment d’infanterie avaient établi leurs quartiers à Hutt’s Gate, près des terres louées par le fermier.  John Robinson était confronté à des tracasseries quotidiennes. Les soldats coupaient des arbres, gâchaient des meules de foin et cassaient les clôtures sans vergogne. Ne disposant que de ces terres, John Robinson était au désespoir de ne pouvoir y maintenir ses quelques têtes de bétail et y récolter son foin. Il fut finalement contraint de vendre pour une bouchée de pain son bail à… William Balcombe.

 


Le 4 janvier 1816, la fraîcheur d’une des deux filles de John Robinson attira l’attention de Napoléon et du comte de Las Cases lors d’une de leurs chevauchées dans la Fisher’s Valley. Elle s’appelait Mary-Ann Robinson et était âgée de seize ans. Après lui avoir donné quelques pièces d’or, l’Empereur la baptisa séance tenant « La Nymphe de Las Cases » et désigna la vallée où elle vivait avec ses parents et sa sœur, « La vallée du silence ». Pour les autres Français et bientôt pour l’île entière, Mary-Ann devint « La Nymphe de la vallée ». À partir de ce moment, chaque fois que sa promenade l’y conduisait, Napoléon prit l’habitude de s’arrêter devant le perron du pauvre cottage où deux jeunes filles l’attendaient avec des bouquets de cannas et de fleurs de gingembre. Après Betsy, Mary-Ann Robinson était devenue une célébrité locale. Les voyageurs de passage, assoiffés d’anecdotes et souvent frustrés de n’avoir pu apercevoir l’Empereur déchu, se rabattaient sur toutes les personnes ayant pu le côtoyer… ou même l’ayant aperçu de loin.

 

La maison de Miss Robinson, 2023

Pendant l’année 1816, de nombreux hommes tournèrent autour de Mary-Ann mais aucun ne proposa de l’épouser. Contrairement à Betsy Balcombe, avide de plaire et séduire, la « Nymphe » cherchait avant tout un mari qui la sortirait de sa modeste condition et l’emmènerait loin de sa vallée.

 

La maison de Miss Robinson, 2023

Pendant un an et demi, Mary-Ann reçut de nombreux hommages de la part de messieurs comme Gourgaud et Piontkowski, mais sans qu’aucun ne lui propose le mariage tant désiré. Heureusement, le 5 juillet 1817, arriva sur l’île le premier bataillon du 66e régiment d’infanterie. James Ives Edwards, le capitaine du Dorah qui avait convoyé le bataillon depuis l’Inde la remarqua.

 

La maison de Miss Robinson, 2023

Le capitaine avait été généreusement rémunéré pour l’acheminement des troupes. Le ministère de la Guerre lui avait accordé le forfait considérable de £15.000 (± £1.000.000 de 2015) à la double condition qu’il le décharge de tout le poids de l’organisation du voyage et qu’il en assume les risques. Cette solution, certes coûteuse, évitait à Londres la lourdeur et la lenteur d’une intervention administrative dans l’éventualité d’une avarie. À cette somme s’ajoutaient bien entendu les indemnités journalières pour la nourriture des passagers. Fort heureusement pour le capitaine, le voyage se déroula sans encombre si ce n’est un incendie à bord sans conséquence fâcheuse. Il put ainsi dégager un profit personnel de presque £14.000 (± 950.000 de 2015). Il était devenu un homme fortuné.

Son bateau devant repartir le 29 juillet 1817, il s’empressa deux jours après son arrivée d’aller demander la main de Mary-Ann à son père. John Robinson donna immédiatement son consentement. La loi exigeant que les bans soient publiés au minimum dix jours avant la cérémonie, James Ives Edward épousa Mary-Ann Robinson le 17 juillet 1817.

 

La maison de Miss Robinson, 2023

       Quelques jours plus tard, le 26 juillet, le couple fut reçu par Napoléon qui fit remarquer la ressemblance du marié avec le prince Eugène. Il lui déclara :

- « Vous avez fait le bonheur de votre femme, cela vaut mieux que d'avoir épousé une femme riche ».

Il crut bon d’ajouter, après que le jeune couple eut quitté Longwood House :

- « À Londres, elle va être fort courue, ils voudront tous l'avoir dans leurs raouts ; il suffira que l'on sache que je l'ai considérée ».

Mais, contrairement à Betsy Balcombe, Mary-Ann ne chercha jamais à tirer avantage d’avoir été durant quelque temps la « Nymphe de la vallée ».

Le 29 juillet, devenue Madame Edwards, la  Nymphe quitta l’île. Elle vécut sa vie de femme de capitaine au long cours sans se bercer d’illusions, et sans chercher à se créer une légende en rédigeant ses mémoires.

 

lundi 14 novembre 2022

Les parties composant LE cercueil de Napoléon

 Une des nombreuses controverses liées à Napoléon à Sainte-Hélène concerne les cercueils dans lesquels le corps de l’empereur a été placé


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Essayons d’y voir plus clair.

Le rapport de sir Hudson Lowe adressé à son ministre de tutelle est, une fois n’est pas coutume, pourtant  précis et concis :  
« [i] Suite à la demande personnelle du comte Montholon, le cercueil a été construit comme suit:  
-          1er  Un cercueil uni doublé de fer blanc
-          2e  Un cercueil de plomb
-          3e Un cercueil en acajou[1] »



Si, comme sir Hudson, on considère le doublage du premier cercueil en bois par du fer-blanc comme formant une seul bière à part entière, Marchand, dans ses mémoires qu’il rédigea quelques années plus tard confirma l’utilisation de ces trois cercueils en y ajoutant des détails:
« L'Empereur placé dans un cercueil de fer blanc, garni de satin blanc ouaté ne put faute d'espace avoir son chapeau sur la tête; elle dut reposer sur un oreiller de même étoffe et le chapeau fut déposé sur ses cuisses, différentes pièces de monnaie frappées à l'effigie de l'Empereur et quelques pièces d'argenterie tels qu'on le trouvera au procès-verbal ci-dessous y furent déposées; le même homme qui avait soudé les vases, souda ce premier cercueil avec soin, ce cercueil fut mis dans un autre en acajou qu'on mit dans un troisième en plomb qui fut lui-même soudé et déposé à son tour dans un quatrième en acajou qu'on ferma avec des vis de fer à têtes d'argent[2]. »



Notons que dans le Procès-verbal d'ensevelissement rédigé et signé le 7 mai 1821, comme sir Hudson Lowe, les comtes de Montholon et Bertrand ainsi que Marchand mentionneront le premier cercueil de bois doublé de fer-blanc comme constituant un seul et même cercueil. Toutefois, quelques contemporains et de nombreux historiens ensuite mentionnent ce double cercueil comme en étant deux bien distincts, ce qui engendra une confusion qui généra elle-même des théories.

Mr Rutledge qui assista à la scène de la fermeture des premiers cercueils confirme : « [ii]où le corps venait d'être déposé dans la gaine en étain, j'ai assisté à la soudure de cette doublure métallique et au vissage du couvercle du cercueil en bois qui était à l'extérieur de celui en étain. Et le tout a été placé dans un cercueil en plomb, dont le couvercle a été soudé à ma vue[3] ».  
Le général Bertrand fut moins disert dans sa description  en se contentant de mentionner que les deux couches métalliques : « On a scellé le fer-blanc, puis l'enveloppe en plomb. On a dit que l'air ne pénétrant pas, cela se conserverait des siècles[4]. »

En résumé donc : si les témoins de l’époque considéraient la doublure métallique du premier cercueil comme un cercueil à part entière, il y eut au total 4 cercueils. Par contre, si comme les comptables et l’administration on considère que le premier récipient est une boite en bois doublée à l’intérieur d’une feuille d’étain ou de fer-blanc, il n’y eut bien que trois cercueil. Tout est ici question d’appréciation comptable et/ou technique.




[1] Extrait de la lettre de Sir Hudson Lowe à Lord Bathurst datée du 14 mai 1821, [folio 199 du volume 20,133 des Lowe Papers]

[2] Mémoires de Marchand, Premier Valet de Chambre et exécuteur testamentaire de l'Empereur publiés d'après le manuscrit original par Jean Bourguignon, membre de l'Institut - Ed. Plon, Paris – 1952 – page II-344
[3] « Compte-rendu de mes visites à Longwood à partir du 6 mai 1821 » – par Mr Rutledge, L.P. Vol 20,133 folios 150 à 152. Ce récit est confirmé par le menuisier Andrew Darling dans son Journal publié le 30 septembre 1915 dans le Times Literary supplement qui, depuis, a été cité et traduit dans de nombreux ouvrages.

[4] Général Bertrand, Grand Maréchal du Palais - Cahiers de Sainte-Hélène - Manuscrit déchiffré et annoté par Paul Fleuriot de Langle - Editions Sulliver, Paris – 1950 – Volume « Journal janvier 1821 - mai 1821 », p.199




[i] The Coffin at the particular desire of Count Montholon was constructed as follows:-
1st   A plain coffin lined with Tin
2nd   A lead Coffin
3rd    A Mahogany Coffin

[ii] … into the tin case wherein the body had been just laid, saw the Lid of this case soldered on and the covering of a wooden case which was outside the Tin one, screwed  down, and all placed in a Leaden Coffin, the cover of which I saw soldered on. [Memorandums during my Visitations at Longwood from 6th May 1821 – by Mr Rutledge, L.P. Vol. 20,133, folios 150-152]